jeudi 27 mai 2010

Thérèse d'Avila Vie 15, extraits


Thérèse d’Avila, Vie 15, extraits


Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte pas à pas de son autobiographie


Oraison de quiétude, conduite à tenir



Cette quiétude et ce recueillement sont très sensibles à l'âme, par le bonheur et la paix qu'ils répandent en elle avec un grand contentement et repos des puissances, et de très suaves délices. L'âme, ne connaissant rien au delà d'une telle jouissance, croit n'avoir plus rien à désirer, et elle dirait volontiers avec saint Pierre: Seigneur, établissons ici notre demeure. Elle n'ose ni remuer ni changer de place; il lui semble que ce bonheur va lui échapper; quelquefois même, elle voudrait ne pas respirer. Elle ne considère pas qu'étant dans une impuissance absolue de se procurer un tel bien par ses efforts, elle peut encore moins le retenir au delà du temps fixé par la volonté du Seigneur…


Il y a un très grand nombre d'âmes qui arrivent à cet état; mais celles qui passent plus avant sont rares, et je ne sais à qui en est la faute. Très certainement elle n'est pas du côté de Dieu…

Je leur recommande seulement de ne point abandonner l'oraison, parce qu'elles y trouveront lumière, repentir de leurs fautes, et force pour se relever. S'en éloigner serait courir un grand danger; elles peuvent en être convaincues. Je ne sais si j'entends bien ce que je dis; car, comme je l'ai fait observer, je juge des autres par moi-même…

Cette oraison de quiétude est une étincelle, par laquelle Dieu commence à embraser l'âme de son véritable amour, et il veut, par les délices dont il l'inonde, qu'elle acquière la connaissance de ce divin amour…Au reste, si l'on a de l'expérience, il est impossible de n'être pas bientôt convaincu qu'un tel trésor est un pur don de Dieu, et ne s'acquiert pas...


Elle a beau travailler à faire brûler ce feu dont elle voudrait sentir la douce chaleur, c'est comme si elle y jetait de l'eau pour l'éteindre. Mais quand c'est Dieu qui allume l'étincelle, alors, toute petite qu'elle est, elle cause dans l'âme un vaste retentissement. Dès qu'elle n'est pas étouffée par l'infidélité à la grâce, elle commence à embraser l'âme d'un très ardent amour de Dieu. C'est un véritable incendie jetant au loin des flammes, comme je le dirai plus tard, et dont Notre Seigneur consume les âmes parfaites. Cette étincelle est de la part de Dieu un gage de prédilection, et un signe qu'il choisit cette âme pour de grandes choses, si elle sait répondre à de si hauts desseins. C'est un don magnifique, et son excellence surpasse tout ce que je pourrais en dire.


L'âme, dans cette oraison de quiétude, doit se conduire avec douceur et sans bruit. J'appelle bruit, chercher avec l'entendement des pensées et des considérations pour rendre grâces de ce bienfait, et entasser les uns sur les autres ses péchés et ses fautes en preuve de son indignité. Tout cela se meut alors au fond de l'âme, l'esprit vous le peint, la mémoire vous en tourmente. Quant à moi du moins, il est des moments où ces deux puissances me fatiguent beaucoup; et, quoique j'aie une faible mémoire, je ne puis la dompter. La volonté doit alors persévérer sagement dans son repos, et comprendre qu'on ne négocie pas avec Dieu au moyen d'efforts violents: ce serait jeter imprudemment sur cette étincelle de gros morceaux de bois propres à l'éteindre. Convaincue de cette vérité, qu'elle dise humblement: Seigneur, que puis-je faire ici ?...la raison n'a ici qu'à bien comprendre qu'une telle faveur émane uniquement de la bonté de Dieu. De plus, nous voyant si près de Notre Seigneur, nous devons lui demander des grâces le prier pour l’Eglise, pour ceux qui se sont recommandés à nous, pour les âmes du purgatoire, et cela sans bruit de paroles, mais avec un vif désir d'être exaucés…


Quelques petits brins de paille, et c'est encore décorer d'un trop beau nom ce qui vient de nous, jetés avec humilité dans ce feu divin, contribuent beaucoup plus à l'enflammer qu'une grande quantité de bois: j'appelle ainsi ces raisonnements qui semblent si doctes, et qui, dans l'espace d'un Credo, étoufferont la petite étincelle…

Enfin, on ne doit pas entièrement abandonner ici l'oraison mentale, ni même, de temps en temps, certaines prières vocales, si l'âme a le désir ou le pouvoir d'en faire; car lorsque la quiétude est grande, elle éprouve une peine extrême à parler. Il est facile, ce me semble, de distinguer quand c'est l'esprit de Dieu qui agit, et quand cette douceur est un fruit de notre industrie, c'est-à-dire quand, à la suite d'un sentiment de dévotion que Dieu nous donne, nous voulons, comme je l'ai fait remarquer, passer de nous-mêmes à cette quiétude de la volonté. Dans ce dernier cas, elle ne produit aucun bon effet, disparaît très vite, et laisse dans la sécheresse…
L'âme doit avoir à cœur de sortir bien humble de l'oraison et des consolations qu'elle y trouve…

C'est pour cette raison et pour un grand nombre d'autres, que j'ai tant recommandé, en traitant du premier degré d'oraison et de la première eau qui arrose le jardin spirituel, de commencer par se détacher de toute espèce de contentement, et d'entrer dans la carrière avec une seule résolution, celle d'aider Jésus-Christ à porter sa croix.
Je reviens maintenant aux artifices du démon et aux douceurs qu'il procure, et je dis que le moyen sûr de les éviter, c'est d'avoir, dès le début de la vie spirituelle, une énergique résolution d'aller toujours par le chemin de la croix, sans désirer les consolations intérieures. Le divin Maître lui-même nous a montré ce chemin comme celui de la perfection, quand il a dit: « Prends ta croix, et marche à ma suite. » Il est notre modèle, et en suivant ses conseils, dans l'unique but de lui plaire, nous n'avons rien à craindre…


Quand c'est l'esprit de Dieu qui agit, il n'est pas nécessaire de chercher péniblement des considérations pour nous humilier et nous confondre. Le Seigneur lui même enseigne et grave au fond du cœur une humilité vraie, et bien différente de celle que nous pouvons acquérir par nos faibles réflexions. Elle porte dans l'âme une lumière incomparablement plus vive, et la pénètre d'une confusion qui la réduit au néant. Dieu lui montre, avec une souveraine évidence, que de son fonds elle ne possède aucun bien et plus les grâces dont il la favorise sont grandes, plus cette vue est claire pour elle. Il allume dans l'âme un ardent désir de faire des progrès dans l'oraison et l'affermit dans le dessein de ne jamais l'abandonner, quelles que soient les peines qui s'y rencontrent; ces peines, elle les accepte à l'avance. De plus, il lui inspire une ferme confiance de son salut, mêlée pourtant d'humilité et de crainte. Il bannit bientôt la crainte servile, et met en sa place une crainte filiale, dans un bien plus haut degré de perfection. Cette âme voit naître en elle un amour de Dieu très dégagé de tout intérêt propre, et elle soupire après les heures de la solitude pour mieux savourer les délices de cet amour…

C'est la saison où les fleurs vont paraître dans leur éclat; il ne leur manque, pour ainsi dire, qu'un souffle pour s'épanouir. Et cela, l'âme le voit d'une vue très claire; il lui est impossible, dans ces heureux moments, de douter de la présence de Dieu en elle. Si cependant elle retombe dans ses fautes et ses imperfections, alors elle s'alarme de tout, et cette crainte lui est salutaire…

Le souvenir des faveurs reçues est plus puissant pour ramener à Dieu des âmes ainsi faites, que la plus vive peinture de tous les châtiments de l'enfer. C'est du moins ce qu'éprouvait la mienne, quoiqu'elle fût si faible dans la vertu.


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