lundi 14 juin 2010

Saint Paul: Rémy Jobard (6)


« Sur les pas du plus audacieux des
missionnaires … » (6)

LES PREMIERES ETAPES DU 3° VOYAGE:

Au cours de l'année 52, au terme de sa deuxième mission, Paul a donc regagné sa base : Antioche où, nous dit brièvement Luc " il resta quelque temps ", moins d'une année sans doute, car son zèle missionnaire le pousse à repartir. Aux Juifs d'Ephèse qui voulaient le retenir à son retour de Corinthe, il avait promis de revenir. Ephèse sera donc la destination de 3ème voyage qui va durer 5 ans (de 53 à 58). Luc n'a qu'une courte phrase pour parler du chemin suivi à l'aller : « Il arriva à Ephèse en passant par le haut-pays " (Ac, 19.1). C’est bien vite dit pour une marche de plus de 1100 km à travers toute l'Asie Mineure ! Mais l'itinéraire est familier pour qui a suivi Paul jusque là : Tarse, Derbé, Lystres, Iconium... II est probable qu'il fait ensuite un détour par la région des Galates et la Phrygie avec les cités de Pessinonte et Colosses. En effet il écrira plus tard aux habitants de cette ville. Mais on ne peut rien dire de plus sur les débuts de cette 3° mission. On ignore aussi qui accompagnait Paul.


LE SEJOUR A EPHESE:

Au début de 54, Paul arrive donc à Ephèse où il va rester près de trois ans, en s'échappant, semble-t-il, pour une ou peut-être deux visites rapides à Corinthe. Ephèse est alors une des capitales du monde et le plus célèbre lieu de pèlerinage d'Asie Mineure. On vient en effet de très loin pour implorer la protection d'Artémis, déesse de la fécondité. Son temple, l’Artémision, était classé parmi les sept merveilles du monde. Mais sur les 127 colonnes de marbre qu'il comprenait, une seule est encore debout aujourd'hui, parmi des ruines qui sont les plus belles du bassin méditerranéen.
A Ephèse, Paul trouve des chrétiens, en particulier ses anciens compagnons Priscille et Aquila qui avaient pu compléter le message partiel délivré auparavant par Apollos . Il lui avait fait connaître en effet la véritable" voie de Dieu », le baptême de l'Esprit. Paul commence donc, selon son habitude par proclamer la Bonne Nouvelle dans la synagogue, mais, devant la réticence de certains Juifs, il va adopter une nouvelle méthode.
II s'arrange en effet pour disposer chaque jour, pendant quelques heures, d'une salle dans l'école d'un certain Tyrannos, maitre de rhétorique. Cet enseignement suivi qui dura pendant plus de deux ans semble avoir été très fécond.

Cependant, tout n'est pas parfait et les Epitres, datant de cette époque laissent apparaitre des soucis pour l’apôtre des païens :

- d'abord une grave maladie qui l’a "accablé à l'extrême, au-delà de ses forces au point qu'il désespérait de la vie" (2 Co, 1-8) Mais grâce à la prière des frères, Dieu l'a arraché à la mort.

- ensuite des problèmes avec les jeunes communautés qu'il a fondées. De graves divisions minent l'Eglise de Corinthe où des clans se sont formés. Paul réagit en envoyant Timothée et en écrivant une longue lettre :
la 1° épitre aux Corinthiens dont l'admirable chapitre 13 sur l'amour fraternel est un des plus beaux textes du Nouveau Testament. D'autre part les Galates, eux aussi, sont en train de s'égarer en se laissant manipuler par des prédicateurs douteux ; là encore Paul intervient fermement dans l'Epitre aux Galates qui date de l'hiver 56-57.
- enfin Paul aurait aussi été incarcéré quelques jours si on se réfère à l'Epitre aux Philippiens (1,12 et 4, 18). II remercie les chrétiens de Philippes qui l'ont aidé pour sortir d'une passe difficile... mais cet épisode demeure bien obscur… Le récit de Luc est bref sur le séjour à Ephèse, mais il rapporte tout de même deux faits divers intéressants :
- un groupe d'exorcistes juifs itinérants est arrivé à Ephèse et ces gens prétendent tout guérir et en particulier chasser les démons et ils le font au nom de "ce Jésus que Paul proclame". Mais un possédé particulièrement violent se rue sur ces prétendus magiciens et les laisse mal en en point. Ils vont faire amende honorable et apportant leurs livres ésotériques, ils les brûlent dans la rue.
(Cette scène pittoresque est représentée sur un vitrail de l’église de Villevieux.)
- plus grave est l'émeute des boutiquiers : un orfèvre, Démétrius fabriquait des petits temples d'Artémis en argent que des marchands de souvenirs vendaient aux pèlerins. Or Démétrius réunit ces commerçants en leur expliquant que Paul va entraîner leur ruine en répandant l’idée que les dieux sortis des mains humaines ne sont pas des dieux. L'agitation gagne la ville et on se rassemble au grand théâtre où peuvent tenir 25000 spectateurs. La manifestation dure 2 heures, lit-on dans les Actes (ch. 19) et il faut l'intervention d'un magistrat pour calmer la foule. Mais Paul, que ses amis ont empêché d'aller parler au théâtre, comprend qu'il vaut mieux pour lui quitter Ephèse.


De nouveau la Macédoine, puis Corinthe :
(fin de 57 et début de 58)

Paul revient donc en Europe et séjourne à Philippes et à Thessalonique. II envoie Tite à Corinthe, car la menace d'un schisme l'inquiète toujours. Mais le disciple fidèle revient avec de bonnes nouvelles : tout est rentré dans l'ordre. Alors Paul écrit sa 2ème Epitre aux Corinthiens dans laquelle II laisse éclater la joie de la réconciliation. " Je suis tout rempli de consolation, je déborde de joie" (2 Co, 7-4) Puis il se rend lui-même à Corinthe où il passe l'hiver 57-58. C'est là qu'il écrit l'Epitre aux Romains, une sorte de condensé de sa théologie.

Paul a dépassé la cinquantaine. II pense avoir bien œuvré dans le monde de l'Asie Mineure et de la Grèce et il projette d'aller en Espagne en passant par Rome (Rm. 15, 24 et 28). II confie son précieux message à une femme, Phoebé, diaconesse de Cenchrées, un des ports de Corinthe, pour qu'elle le remette à cette communauté romaine que non seulement il n'a pas fondée lui-même, mais qu'il ne connaît même pas. Et Paul décide alors de rentrer en emportant une collecte destinée à l'Eglise de Jérusalem.

LE VOYAGE DU RETOUR:

C'est le chemin habituel de la Grèce continentale que Paul emprunte au printemps de 58.
Il a avec lui quelques compagnons et il en rejoint d'autres à Troas (Ac, 20,4) où il fait halte une semaine. C'est l'occasion pour Luc d'évoquer une messe telle qu'elle était célébrée par les premiers chrétiens le jour du Seigneur, commençant le samedi soir (Ac 20, 7). Mais un incident survient : l’homélie de Paul se prolonge si longtemps qu'un jeune homme qui s'était assis sur le rebord de la fenêtre du 3ème stage s'endort et bascule à l’extérieur. On se précipite, on le croit mort. Mais Paul le prend dans ses bras et déclare : " Ne vous agitez pas ; son âme est en lui ". On peut alors achever la célébration eucharistique (Ac, 20-11). (Cet événement est lui aussi représenté sur un vitrail de l’église de Villevieux.)

Mais il faut continuer... A l’embarcadère d'Assos, le groupe au complet prend le bateau qui longe les iles de Lesbos, de Chio, de Samos et en quatre jours atteint le port de Milet. Paul a voulu éviter une escale à Ephèse, car il souhaitait être à Jérusalem pour la Pentecôte. Mais il a fait venir les anciens de l'Eglise d'Ephèse et il prononce là un discours important, rapporté intégralement par Luc (Ac, 20, 18-35) et qui sonne comme un véritable testament. Paul rappelle tout ce qu'il a fait pour remplir sa mission, puis il exhorte ses auditeurs à prendre soin du troupeau dont ils ont la charge et il leur dit adieu, car il pressent que ce qui l'attend à Jérusalem n'a rien de rassurant. Marquée par un temps de prière commune, cette scène d'adieux est très émouvante.
La navigation se poursuit par Cos, puis par Rhodes où une brève escale a laissé un souvenir très vivant. En effet le petit port de l’apôtre Paul à Lindos est encore très fréquenté par les touristes.
C'est à Tyr sur la côte libanaise que le navire débarque sa cargaison : voyageurs et marchandises. Les chrétiens de l'endroit tentent de décourager Paul et ses compagnons de gagner Jérusalem. Ils continuent cependant à pied et, à Césarée, Paul répond fermement à ceux qui lui conseillent la prudence : " Je suis prêt a mourir à Jérusalem pour le nom du Seigneur" (Ac, 21-13)... En fait, Dieu attend encore de lui de nouveaux témoignages et il va se trouver embarqué pour une nouvelle étape de sa vie, la dernière. Elle ne sera pas facile, mais encore très féconde.


Rémy Jobard

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