jeudi 28 octobre 2010

Thérèse d'Avila, Vie 36, extraits


Thérèse d'Avila Vie, Chapitre 36, extraits

Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte pas à pas de son autobiographie.

Le soir même de mon arrivée ici (Avila), nous reçûmes les dépêches de Rome et le bref pour l'établissement de notre monastère …Je trouvai dans la ville l'évêque, le saint frère Pierre d'Alcantara et ce vertueux gentilhomme (François de Salcédo) qui le logeait chez lui, les serviteurs de Dieu trouvant toujours dans sa maison asile et bon accueil. Ils s'employèrent tous deux auprès de l'évêque, et le déterminèrent à prendre sous sa juridiction le nouveau monastère. Comme il devait être fondé sans revenus, la faveur demandée au prélat n'était pas petite; mais il était si affectionné aux personnes en qui il voyait une ferme résolution de servir Dieu, qu'il se sentit aussitôt disposé à nous aider…
Tout se fit dans le plus grand secret, et si l'on ne s'y fût pris de la sorte, je ne sais si on aurait pu rien exécuter, tant la ville était opposée à un tel dessein, comme la suite le fit voir.
A cette époque, Notre Seigneur envoya une maladie à un de mes beaux-frères, sa femme étant absente de cette ville, il se trouvait dans un tel a
bandon, qu'on me permit de demeurer auprès de lui. Ainsi l'on ne se douta de rien… Chose admirable! la maladie de mon beau-frère ne dura que le temps nécessaire à notre affaire; et lorsqu'il fut besoin qu'il recouvrât la santé, pour que je pusse retrouver ma liberté et que lui-même pût quitter la maison, Notre Seigneur la lui rendit si soudainement qu'il en était émerveillé.
Enfin, tout étant prêt pour la fondation, il plut à Notre Seigneur que le jour même de la fête de saint Barthélemy, quelques filles prissent l'habit, et que le très saint Sacrement fût mis dans notre église; et ainsi se trouva légitimement érigé, en l'année 1562, avec toutes les approbations requises de l'autorité, le monastère de notre glorieux père saint Joseph
Ce fut pour moi un avant-goût de la gloire céleste, de voir cette petite maison honorée de la présence du très saint Sacrement, et de remédier à la nécessité de quatre pauvres orphelines, grandes servantes de Dieu, en les recevant sans dot. Dès le principe, j'avais désiré que les premières qui entreraient fussent, par leur exemple, le fondement de cet édifice spirituel, et propres à réaliser le dessein conçu par nous de mener une vie très parfaite et de très grande oraison…
Trois ou quatre heures après la cérémonie, le démon me livra un combat intérieur dont je vais parler. Il me mit dans l'esprit que peut-être j'avais offensé Dieu dans ce que j'avais fait, et manqué à l'obéissance en fondant ce monastère sans l'ordre de mon provincial… D'autre part, les religieuses que je venais de recevoir vivraient-elles contentes dans une si étroite clôture? Le nécessaire ne leur manquerait-il point? Cette fondation n'était-elle pas une folie? Pourquoi m'étais-je engagée dans cette entreprise, moi qui pouvais si bien servir Dieu dans mon couvent?...
Le démon présentait tout cela à mon esprit, sans qu'il me fût possible de penser à autre chose; et il répandait en même temps dans mon âme une affliction, une obscurité, des ténèbres, que je ne saurais dépeindre. Me voyant dans cet état, je m'en allai devant le très saint Sacrement, bien que je fusse incapable de former une prière
Ce fut là, je puis le dire, un des moments où j'ai le plus souffert dans ma vie… Mais Notre Seigneur ne voulut pas laisser souffrir davantage sa pauvre servante, et il fut fidèle à m'assister dans cette tribulation, comme il l'avait fait dans toutes les autres. Par un rayon de sa lumière il me découvrit la vérité… Pourquoi craindre? J'avais désiré des croix, je devais me réjouir d'en trouver de si bonnes à porter; plus la répugnance était grande, plus le profit serait considérable; enfin, pourquoi devais-je manquer de courage dans le service de Celui qui m'avait comblée de bienfaits?
Cette tempête étant calmée, j'aurais bien voulu prendre un peu de repos après midi… Mais cela fut impossible. Déjà la nouvelle de ce qui venait d'avoir lieu excitait une grande rumeur tant dans la ville que dans mon couvent… La prieure m'envoya l'ordre de revenir sur-le-champ; je partis sans délai, laissant mes religieuses plongées dans la peine. Je prévoyais bien des tribulations; mais comme le monastère était fondé, j'en étais fort peu émue. J'élevai mon âme à Dieu pour lui demander son assistance, et je suppliai mon père saint Joseph de me ramener dans sa maison, lui offrant ce que j'aurais à endurer, et m'estimant fort heureuse de le souffrir pour son service…
La ville porta l'affaire au conseil du roi; il en vint un ordre de dresser une enquête exacte de tout ce qui s'était fait, et voilà un grand procès commencé...
Cette tempête dura près de six mois; mais le détail de nos souffrances dans cet intervalle serait trop long à rapporter…
L'émotion de la ville commençait à se calmer: le père présenté dominicain, auquel nous nous étions d'abord adressées (Pierre Ybañez), sut alors, quoique absent, si bien ménager les esprits, qu’il nous fut d'un très grand secours… il négocia si bien par certaines voies auprès de notre père provincial, que, contre toute espérance, celui-ci me permit dès lors de venir, avec quelques religieuses, habiter le nouveau monastère, afin d'y célébrer l’office divin et d'instruire celles qui y étaient déjà…
La joie que j'éprouvai le jour où nous y entrâmes fut inexprimable. Avant de pénétrer dans la maison, je m'arrêtai à l'église pour faire oraison: là, étant presque en extase, je vis Notre Seigneur Jésus-Christ qui me recevait avec un grand amour, et qui, en me mettant une couronne sur la tête, me témoignait sa satisfaction de ce que j'avais fait pour sa très sainte Mère. Un autre jour, tandis qu'après complies nous étions toutes en oraison dans le chœur, la très sainte Vierge m'apparut, environnée d'une très grande gloire, et revêtue d'un manteau blanc sous lequel elle nous abritait toutes
Nous n'eûmes pas plus tôt commencé à faire l'office, que le peuple fut touché d'une grande dévotion pour ce monastère. Nous reçûmes de nouvelles religieuses. Notre Seigneur changea le cœur de ceux qui nous avaient le plus persécutées; ils se montraient pleins de dévouement à notre égard, et nous faisaient l'aumône, approuvant ainsi ce qu'ils avaient tant condamné…
Plaise à Notre Seigneur que tout soit à son honneur et à sa louange, comme à l'honneur et à la louange de la glorieuse Vierge Marie, dont nous portons l’habit! Amen.

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