vendredi 9 décembre 2011

Homélie 8 Décembre

Carmel de Saint Maur  -  8 Décembre
Homélie du Père Armand Athias

 "Où es-tu donc?" On imagine bien Dieu ce jour-là, avec au cœur l’anxiété du papa qui ne retrouve plus son fils. Il a disparu. Il s’est égaré. Il ne le voit plus. « Où es-tu donc ? »... Oh, il ne se fait guère d’illusion. « Je t’avais interdit de manger du fruit de l’arbre ; en aurais-tu mangé ? »... Aurais-tu touché à cet arbre qui se trouve au milieu du jardin de l’existence humaine, là où justement pousse aussi l’arbre de vie, l’arbre des vivants ? Aurais-tu osé toucher à cette question du bien et du mal et trancher désormais par toi-même : ça c’est bien, ça c’est mal... Celui-ci, celle-là, c’est quelqu’un de bien. Celui-ci, celle-là, c’est quelqu’un de mauvais ? Je t’avais dit « entre nous », Je t’avais « inter/dit » de manger de ce pain-là, sinon c’en est fini de ta propre vie. Il y aurait désormais à jamais une tache dans ta manière d’être en relations avec les autres... Ça ne peut-être que mortel pour toi d’avoir perpétuellement la tentation de regarder l’étiquette et non la personne ! « Qu’as-tu fait là ? »


Le visage de Dieu qui apparaît dans ce texte si fabuleux est un visage angoissé, triste, déçu... La confiance mise en son fils bien aimé Adam s’est retournée contre lui. Voilà que l’homme ne va plus arrêter de dire « Ceci est bien, celui-ci est bien…ceci est mal, celui-ci, il ne faut pas le fréquenter ! ».... Pourquoi l’homme n’accepte-t-il pas d’être libre pleinement, en laissant aux anges à la fin des temps le soin de trancher entre ce qui est ivraie et bon grain, entre ce qui est à rejeter et à ce qui nourrit vraiment ?  L’homme avait sombré...

Pourtant, pourtant... avant même que l’homme ne sombre dans cette absence de confiance en un Dieu pour qui tout est « bon »... et même « très bon » quand il s’agit de l’homme... bien avant, le projet de Dieu était là. Il était même plus originel que le péché du même nom. Il nous a choisis en Jésus-Christ, avant la création du monde, pour que nous soyons dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard.. De ce projet, pas un iota ne sera changé, dans son cœur de Dieu... Ce sera même encore un peu plus gratuitement qu’il le réalisera, en fonction des événements... Un peu plus gratuitement ? « Je te salue, Comblée de grâce... Tu as trouvé grâce auprès de Dieu... ! »...

Marie nous est présentée aujourd’hui comme celle par qui Dieu manifeste à quel point son projet continue. Lui, Dieu, n’est pas tombé dans la tentation de dire à son tour : « Dans l’humanité, il y a les bons et les mauvais... Je vais me mettre avec les bons et les mauvais : à dégager ! ». Dieu vient redire à l’humanité (tout petitement comme Dieu a toujours su faire) : «Salut... Bonjour... Sois sauvé... Quand je regarde ta vie, je vois toujours que cela est bon... que cela est très bon... Il y a en toi cette part d’humanité qui est « comblée de grâce » et qui peut mettre mon fils au monde ! 

Oui, la fête de l’immaculée conception, nous dit que dans l’histoire de l’humanité, il y en a une que Dieu a « privilégiée» comme disent les théologiens... mais c’est pour que nous comprenions chacune et chacun à quel point il y a dans l’histoire de notre propre humanité, un noyau plus originel encore que tout le reste, ce noyau privilégié où Dieu peut nous rencontrer et nous dire, à travers les crises de nos existences, « tu es comblé(e) de grâce ».. Tu es capable d’accueillir l’Esprit... d’avoir une vie pleinement féconde…d’avoir la dignité de dire librement « fiat »... « oui »...

Oui, ne cherchons pas à dire trop vite : ceci est bien et ceci est mal... C’est à travers ce que nous considérions comme bien, comme définitivement bien, que nous nous sommes renfermés sur nous-mêmes, sur nos mérites, sur notre gloriole d’avoir tant réussi... C’est tellement à travers justement ce qui nous a fait mal, ce que nous avons considéré comme mal, que Dieu nous a fait faire des immenses pas en avant... à travers ces moments de stérilité, d’absence de relations, de « virginité » que nous nous sommes sentis trouvés au plus intime de nous-mêmes par un Dieu qui nous dit « Sois sans crainte.. je te fais confiance.. Tu vas concevoir et enfanter.. ». Le visage de Dieu qui apparaît dans ce texte si fabuleux est un visage amoureux, plein d’espérance, ouvert vers tous...

Alors « où es-tu donc ? » me dit Dieu aujourd’hui... Est-ce que ma réponse ne pourrait pas être un peu celle de Marie : « Me voici, je suis là où le Seigneur a besoin d’être servi. Que tout se passe pour moi selon sa parole... Que tout se passe, selon sa Parole à lui, pour que je sois vraiment moi et que ma vie soit féconde ! »

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