mercredi 17 octobre 2012


Ste Thérèse d’Avila -
 
Carmel de Saint- Maur
 
Homélie du Père Michel Martin
 
Sagesse 7, 7- 14 / Romains 8, 14- 17.26-27/ Evangile Jean 4, 5- 15

Il n’est pas si fréquent que les trois textes bibliques de la liturgie aient une si belle cohérence.

Il y a d’abord le lien de la prière :

J’ai prié et l’esprit de la Sagesse est venu en moi.

L’Esprit vient au secours de notre faiblesse, car ne nous savons pas prier comme il faut.

Seigneur, je t’en prie, donne-la-moi, cette eau vive, que je n’aie plus soif.

Il y a ensuite le lien du don :

Don de la Sagesse : J’ai prié et l’intelligence m’a été donnée.
Don de l’Esprit : L’Esprit qui vous été donné ne fait pas de vous des esclaves mais des fils.
Don de l’eau vive : Donne-moi à boire…Si tu savais le don de Dieu.

Le Livre de la Sagesse est écrit quelques dizaines d’années avant Jésus-Christ.
La Lettre aux Romains est écrite au milieu du premier siècle.
L’Evangile de Jean est écrit à la fin du premier siècle.

Dans des contextes différents et semblables à la fois : la capitale intellectuelle d’Alexandrie, la ville impériale de Rome, la métropole d’Ephèse au confluent des grands courants philosophiques et religieux…
Voici, à trois étapes de la Révélation, trois remarquables textes, témoins de l’intelligence croyante, reliant ces deux grands ensembles littéraires que l’on appelle aujourd’hui l’Ancien et le Nouveau Testament.
A trois époques différentes séparées seulement de quelques décennies, dans trois contextes différents, il s’agit de la même question, du même effort pour pénétrer un peu plus, un peu mieux, le même mystère fondamental : la relation entre les hommes et Dieu.

La Sagesse, notion grecque qui désigne le moyen de la connaissance, est interprétée dans la foi juive comme un autre nom de la Révélation divine. La Sagesse créatrice dévoile la volonté et les intentions de Dieu. Elle prolonge la vie de Dieu et elle est associée à toutes ses œuvres.
Des justes en qui elle demeure, la Sagesse fait les amis de Dieu.

La Lettre aux Romains, c’est l’Evangile de Paul, lui qui a été saisi par le Christ et a été envoyé pour annoncer la Bonne Nouvelles aux nations. Et à Rome, le voilà bien au carrefour des nations. Il proclame que l’Esprit reçu introduit ceux qui le reçoivent dans l’intimité filiale de Jésus et de son Père. L’Esprit fait les fils et les héritiers de Dieu.

L’Evangile de Jean est à la croisée de l’hellénisme [la connaissance et la vérité, le logos] de la tradition juive [le symbolisme biblique de l’eau, de la nourriture céleste, de la vigne, du temple] et du gnosticisme [le salut par la connaissance et l’aversion pour la réalité charnelle]. Le don de l’eau vive fait les christs de Dieu.

Que font-ils ces trois auteurs bibliques, au long d’un siècle de confrontation et de dialogue entre la raison et la foi ?
Eh bien, ils travaillent, ils réfléchissent, ils méditent, ils échangent, ils écrivent…pour annoncer l’Evangile et proposer la foi dans la société de leur temps, « leur société actuelle ».


Je ne connais pas suffisamment Thérèse de Jésus, mais je sais quand même qu’elle vit au 16° siècle, et quel siècle : Renaissance, Réforme protestante, Concile de Trente… Je sais aussi qu’elle finit par dire : « Que rien ne te trouble, Que rien ne t'effraie ; Tout passe, Dieu ne change pas, La patience obtient tout ; Celui qui a Dieu ne manque de rien. Dieu seul suffit. » Ce n’est pas pour rien qu’elle est la première femme à avoir été déclarée Docteur de l’Eglise et il n’est pas étonnant que les trois textes bibliques de sa fête soient si magnifiquement bien choisis.

Etre les amis de Dieu, dit la Sagesse.
Préférer la Sagesse aux trônes et aux sceptres, à la richesse même, aux pierres précieuses, et même à tout l’or du monde qui n’est alors qu’un peu de sable. Préférer la Sagesse à l’argent que l’on regarde alors comme de la boue. Aimer la Sagesse plus que la santé et la beauté, et même que la lumière, parce que la clarté de la Sagesse, elle, ne s’éteint pas.

N’est-ce pas ainsi que l’on devient des christs, comme le dit aux nouveaux baptisés Saint Cyrille de Jérusalem ? N’est-ce pas cela devenir chrétien ?

Etre fils et héritiers de Dieu, dit St Paul.
Ne plus avoir peur et se laisser conduire par l’Esprit, se laisser pousser par lui jusqu’à crier vers le Père en l’appelant « Abba ! ». Devenir héritier et accepter l’héritage du Royaume, de la vie éternelle. Assumer le passif et l’actif, vivre la Pâque avec le Crucifié-Ressuscité, souffrir avec lui pour être avec lui dans la gloire.

N’est-ce pas ainsi que l’on devient, petit à petit, des christs, comme le dit Saint Cyrille aux nouveaux baptisés ? N’est-ce pas cela devenir chrétien ?

Etre plongé dans l’eau vive, dit St Jean.
Renaître dans la source jaillissante pour la vie éternelle.
Boire l’eau vive de l’expérience spirituelle pour y trouver le Dieu que l’on recherche.
Ne plus avoir soif et ne plus devoir puiser dans le puits profond de Jacob.

N’est-ce pas ainsi que l’on devient, petit à petit, des christs ? N’est-ce pas cela devenir chrétien ?



 





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