vendredi 26 octobre 2012

Thérèse d'Avila Fondations, 27 (traduction Marcelle Auclair), extraits

Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte du Livre des Fondations


De la fondation de la ville de Caravaca. On y posa le Très Saint-Sacrement le premier de l'an de la même année 1576. Ce monastère est placé sous l'invocation du glorieux saint Joseph.

    1 J'étais à Saint Joseph d'Avila, prête à partir pour la fondation de Beas dont j'ai parlé, il ne restait plus qu'à accommoder les voitures qui devaient nous emmener, lorsqu'un messager particulier, mandé par une dame de Caravaca, nommée Dona Catalina, nous apprit que trois jeunes filles venaient d'arriver chez elle; à la suite du sermon d'un Père de la Compagnie de Jésus, elles avaient décidé de ne pas sortir de sa maison jusqu'à ce qu'on y fondât un couvent...

    2 Le fervent désir de ces âmes, qui allaient chercher si loin l'Ordre de Notre-Dame, me toucha et m'incita à les seconder dans leurs bonnes intentions. Lorsque j'appris que Caravaca était proche de Beas, j'emmenai un plus grand nombre de religieuses, car d'après leurs lettres, il me semblait que nous ne manquerions pas de nous entendre, et j'avais l'intention d'aller là-bas lorsque j'aurais achevé la fondation de Beas. Le Seigneur en avait décidé autrement et mes plans ne servirent pas à grand-chose...

    3 Il est vrai que je m'étais renseignée à Beas; j'avais appris qu'on n'y parvenait que par des chemins détournés, si mauvais que ceux qui iraient visiter ces religieuses auraient bien des difficultés, et les supérieurs y verraient des inconvénients; je n'avais donc plus guère envie d'aller fonder cette maison. Mais comme j'avais donné bon espoir à ces filles, je demandai au P. Julien d'Avila et à Antoine Gaytan d'aller voir sur place de quoi il s'agissait; ils annuleraient tout, s'il leur semblait bon...

    4 Les religieuses étaient si fermement résolues, en particulier deux d'entre elles, je dis celles qui devaient être religieuses, elles surent si bien gagner le P. Julien d'Avila et Antoine Gaytan qu'ils passèrent tous les actes et s'en revinrent, les laissant très satisfaites; quant à eux, ils étaient si contents d'elles et du pays qu'ils ne se lassaient point d'en parler, ainsi que des mauvais chemins...

     6 Lorsqu'on m'apporta l'autorisation, j'étais prête à partir pour Caravaca, mais je constatai qu'on mettait ce monastère sous la dépendance des commandeurs à qui les religieuses devraient obéissance; je ne pouvais admettre cette condition contraire aux Constitutions de l'Ordre de Notre-Dame du Carmel; il fallut donc demander à nouveau l'autorisation; jamais on ne l'aurait obtenue et pas davantage pour Beas, si le Roi ne m'avait fait la grande faveur, lorsque je lui eus écrit, de donner l'ordre de l'accorder...

    8 Il m'était impossible d'y aller moi-même, à cause de l'éloignement, et puis la fondation de Séville n'était pas terminée; le P. Maître Fr. Jérôme Gracian, visiteur apostolique, décida d'y envoyer sans moi les religieuses qui étaient restées à Saint Joseph de Malagon. Je m'efforçai de leur donner une Prieure à qui je puisse me fier et qui ferait très bien, car elle est meilleure que moi; elles partirent, en emportant tout le nécessaire...

    9 Les nouvelles venues furent reçues avec grande joie par tout le village, en particulier par celles qui étaient enfermées. Elles fondèrent le monastère, et posèrent le Très Saint-Sacrement le jour du Saint Nom de Jésus de l'année 1576...

   11 Plaise à Sa Majesté de nous donner ses grâces en abondance, et rien ne nous empêchera de progresser toujours dans son service; qu'Elle nous protège et veuille que notre faiblesse ne fasse pas échouer de si beaux débuts, puisqu'Elle a voulu en ces commencements se servir des misérables femmes que nous sommes. Je vous demande en Son Nom, mes soeurs et filles, de prier toujours Notre-Seigneur dans ce sens, pour que chaque nouvelle venue considère que cette première Règle de la Vierge commence à nouveau avec elle; qu'on n'admette de relâchement sous aucun prétexte. Sachez qu'une petite chose ouvre la porte aux grandes et que le monde s'insinuerait sans que vous y preniez garde. Rappelez-vous combien il a fallu de travail dans la pauvreté pour édifier ce dont vous jouissez dans le repos; si vous y réfléchissez, vous verrez que la plupart de ces maisons n'ont pas été fondées par des hommes, mais par la puissante main de Dieu, et Sa Majesté aime à parfaire ses œuvres, si nous n'y faisons pas obstacle...

    12 ... Si vous demandez toujours à Dieu de se charger de tout, sans jamais vous fier à vous-mêmes, il ne vous refusera pas sa miséricorde si vous avez confiance en lui et un cœur courageux, car Sa Majesté aime beaucoup tout cela; ne craignez point de manquer de quoi que ce soit. Ne repoussez jamais celles qui, sans biens de fortune veulent se faire religieuses, si leurs désirs et leurs talents vous satisfont, si elles ne cherchent pas dans un monastère un refuge, mais le moyen de servir Dieu plus parfaitement; si elles sont riches en vertus, Dieu y pourvoira doublement.

  I9. Vous avez vu que non seulement j'avais l'autorisation de notre Révérendissime Père Général, mais aussi l'ordre de fonder le plus grand nombre possible de monastères. Et non seulement cela, mais à chaque fondation nouvelle, il m'écrivait son très grand contentement...Soit que Sa Majesté ait voulu m'accorder enfin un peu de repos, soit que le démon ait eu regret de voir tant de maisons au service de Notre-Seigneur, on m'apporta, avant mon départ de Séville, un commandement des Définiteurs d'un Chapitre Général qui s'était tenu pour traiter de l'accroissement de l'Ordre, m'ordonnant non seulement de ne plus fonder de nouveaux monastères, mais de ne plus sortir d'une de nos maisons, dont on me laissait le choix; c'était, en somme, une sorte d'emprisonnement... On a bien compris que le Père Général n'était pour rien dans cette mesure: lorsque peu de temps auparavant, je l'avais supplié de ne plus me commander de faire de fondations nouvelles, il m'avait écrit qu'il désirait que je fondasse autant de monastères que j'ai de cheveux sur la tête; j'étais surtout peinée de penser qu'il était maintenant mécontent de moi, sans bien savoir pourquoi, mais sur le rapport de personnes passionnées...

    20 Pour que vous voyiez bien combien la miséricorde de Notre-Seigneur est grande, et que Sa Majesté n'abandonne jamais ceux qui veulent le servir, je vous dis, mes sœurs, que non seulement je n'eus pas de peine, mais une joie si peu habituelle que je ne me contenais plus...c'était pour moi un grand repos, et j'avais souvent désiré finir mes jours dans la tranquillité; ceux qui s'efforçaient ainsi de me la procurer l'ignoraient, ils pensaient sans doute, entre autres bons desseins, me causer le plus grand chagrin du monde.

    21 ... Ma joie principale était, je le crois, de supposer que le Créateur était content de moi, puisque les créatures me payaient de la sorte. Je puis avancer que celui qui travaillerait pour lui dans l'espoir d'une récompense terrestre et de la louange des hommes serait dans l'erreur, sans parler du peu de bénéfice qu'on y trouve: ils changent d'avis du jour au lendemain, et se hâtent de blâmer ce qu'ils ont une fois loué. Soyez béni, Vous, mon Dieu et mon Seigneur, qui êtes immuable à présent et toujours. Amen. Quiconque vous servira jusqu'à la fin vivra sans fin dans votre éternité...

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