jeudi 18 avril 2013

Homélie du 3° dimanche de Pâques

Homélie du 3° dimanche de Pâques
Père M. Boisson - Carmel de Saint-Maur


« Ils passèrent la nuit sans rien prendre » (Jean 21,3). Pierre, Nathanaël, Thomas et les autres…

Bernard, qui pendant trois mois n’arrive pas à s’en sortir dans son entreprise et ses affaires : un coup de téléphone d’un client lui indique que ça peut repartir.

Michèle et Jean qui rament avec leurs deux ados difficiles, se découragent : au cours d’une sortie le dialogue reprend.

Marie ne causait plus à sa voisine depuis l’été dernier : celle-ci lui propose d’aller chercher sa petite à l’école.

Pierre, Jean, eux, nous et les autres… « Ils passèrent la nuit sans rien prendre. » La nuit… Au lever du jour, un inconnu est là, il leur indique un endroit où la pêche sera bonne. C’est l’expérience de l’absence, de la nuit, de l’hiver moral, spirituel, de la fatigue, de l’échec. On ne sait plus très bien où jeter le filet, à quel saint se vouer. Ca ne mord pas ! Pourtant on a ramé, on a essayé, on a cherché. A la pêche ils n’avaient plus la pêche!

Et le jour - la fin de la nuit - se lève, c’est l’expérience de la Présence, d’abord menue. Quelqu’un est là, on ne le reconnaît pas. Comme ceux qui marchaient tout tristes vers une certaine auberge, ils sentent, après coup, une présence qu’ils ne peuvent pas nommer. Un inconnu.

Celui qui commence à deviner, c’est celui qui voit avec les yeux de l’amour : le disciple que Jésus aimait – Jean. « C’est le Seigneur ! » (Jean 21,7) Ca ne peut être que lui (qu’elle), ça ne peut être que le Seigneur qui se fait reconnaître avec les yeux du cœur. Comme Jean, comme Thomas, Pierre, Bernard, Marie et les amis, il nous arrive de reconnaître - après coup souvent - qu’on n’était pas tout seul à ramer dans une traversée difficile. Quelqu’un est là sur nos rivages.

Livrés à leurs propres forces, ces pros de la pêche ne prennent rien. Ils doivent leur réussite à un autre. On est, avec cet Evangile, au plus quotidien de nos vies et au plus profond de notre foi. A certains moments, une présence intime, qui peut se manifester par les autres, nous indique un endroit où jeter à nouveau le filet et nous donne la force de le faire. Croyons à la présence du Ressuscité, non pas dans l’extraordinaire, mais au plus intime de nous-mêmes, dans le plus quotidien de nos vies. Même si apparemment cette présence peut rester inconnue.

En débarquant, bredouilles, sur nos rivages, qui est-ce qui nous attend ? Pas des discours, ni des homélies : quelqu’un qui a allumé un feu de braise, avec du poisson posé dessus et du pain. « Venez déjeuner » (Jean 21,12). Quoi de plus humain ? Le Ressuscité les invite, nous invite, à refaire nos forces après la nuit. Il se fait reconnaître - comme à l’auberge - au pain partagé, donné, reçu, et à la chaleur de sa présence et de sa parole qui réchauffe le cœur. Il leur donne le pain et le poisson. Quelle sollicitude, quelle amitié, quelle présence, celle du Ressuscité ! Pas l’ombre d’un reproche à ses amis lâcheurs. « Venez déjeuner. » « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? Oui, Seigneur, je t’aime, tu le sais » (Jean 21,16).

Après la nuit, au lever du jour, la confiance est retrouvée et redonnée dans la rencontre et la présence. Nouveau départ. Jésus n’a pas dit : « Pierre, ce fanfaron, ce m’as-tu-vu, fais le malin...mais  Pierre, m’aimes-tu ? Alors veille sur mes amis, conduis-les à moi, affermis leur foi. » Pierre n’a plus d’illusion sur lui-même. Il peut - avec ses blessures - compter sur la fidélité du Ressuscité, qui lui dit, qui nous dit : « Je t’aime quand même. Tu peux à nouveau jeter le filet. Suis-moi. »

Que serions-nous sans nos blessures, sans nos faiblesses? Ne sont-elles pas nécessaires pour briser la carapace de notre suffisance, comme pour Pierre, Thomas ; pour nous rendre vulnérables, poreux à la tendresse du Père, comme aux besoins de nos frères et sœurs. « Ils passèrent la nuit sans rien prendre. » Au lever du jour, le Christ ressuscité est là. « Venez déjeuner. » Pierre, Bernard, Myriam, Chantale, Yves, Maurice et les autres. « M’aimes-tu ? »

Heureux sommes-nous de reconnaître sa présence au plus quotidien de nos existences. « C’est le Seigneur. »

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