mardi 14 mai 2013

Homélie 7° dimanche de Pâques


 
Homélie 7° dimanche de Pâques
Carmel de Saint-Maur. P. Maurice Boisson

 Quand on est devant une situation difficile, qu’on ne voit pas comment y arriver, il nous arrive de demander l’aide de Dieu : on prie. Le grand désir de Jésus - qui lui tient à cœur - c’est que ceux qui croient et qui croiront lui soient unis et s’aiment les uns les autres. Ce sera le signe de sa présence. Il en pressent la difficulté ; il fait appel à son Père. Ultime prière avant de mourir ; à l’aube, unique demande : « Jésus priait ainsi : « Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. » (Jean 17,21) « Le monde saura que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » (Jean 17,23) …Et ils croiront en moi.

Plus de 2000 ans après, on n’a pas l’impression que la prière de Jésus ait été exaucée. Les situations de division ont même empiré, à certaines périodes. Les grandes familles de ceux qui se réclament de Jésus ne sont toujours pas réunies. Chez les catholiques, les divisions sont toujours actuelles. La grande famille humaine que Jésus veut rassembler peine à s’entendre, à se comprendre ; nos sociétés aussi, nos familles. On n’a jamais autant entendu de mots en « isme », qui signifient souvent des attitudes de repli, de séparation : l’individualisme, le communautarisme, le sectarisme, l’intégrisme, l’égoïsme, le particularisme, le populisme, l’extrémisme… ouf ! J’en passe.

Certains observateurs décrivent la société actuelle comme « l’apothéose du moi », ou, plus vulgairement : le « tout à l’égo » - l’égo étant le moi. Remettre tout à soi, ou au groupe auquel j’appartiens, consiste à se séparer, à se barricader.

Alors ? Jésus n’a-t-il pas prié assez fort ? « Je prie, Père, pour qu’ils soient un. » Le Père l’a-t-il entendu ? Cette demande s’est-elle perdue au long des siècles ? Dieu peut-il aller contre notre liberté de faire et de nous faire du mal ?

Peut-être aussi qu’on comprend mal cette prière de Jésus : on la voit comme un devoir de faire cesser nos divisions ; c’est vrai ; mais l’unité est d’abord un don du Père - que Jésus demande : un don du style de relations qu’ils vivent ensemble dans cette famille de Dieu où chacun est soi, unique, quelqu’un, vivant dans la réciprocité du don et de l’accueil.

Parce que l’unité est un don - à demander - c’est une tâche à accomplir. C’est de notre responsabilité de réaliser ce don. Dieu nous donne ce qu’il est, ce qu’il vit, pour qu’à notre tour nous soyons donnant de ce don reçu. La prière de Jésus est exaucée, en ce sens que Dieu ne cesse jamais de nous faire don de ce qu’il est : Unité – Justice – Paix – Amour. Mais cette demande ne sera totalement exaucée que si nous y mettons du nôtre, pour que se réalise ce don ici, là où nous sommes maintenant, avec celles et ceux qui sont avec nous.

Cette unité que demande Jésus, peut-être aussi qu’on la comprend mal : « Qu’ils soient un comme toi et moi nous sommes un. » Comme, dans « comme je vous ai aimés » : tout est là. L’unité, alors, n’est pas l’uniformité, ni la pensée unique, ni une marche au pas : c’est un ensemble où, comme en Dieu, chacun est unique et s’accomplit dans la complémentarité de l’autre, des autres. L’unité, tellement ancrée aussi dans le cœur humain dès l’origine, ne se trouve pas dans un paquet cadeau : c’est un chemin qui commence à la porte de notre chambre, de notre maison, surtout de notre cœur. Dieu indique la direction, c’est à nous de marcher sur ce chemin.

L’Europe, qui a bien du mal à se construire, a eu pour fondateurs des catholiques convaincus qui voulaient, après les deux guerres, tracer un chemin d’unité. L’Europe a une très belle devise, même si la réalité en est loin : In varietate, concordia (dans la diversité, la variété, la concorde, l’union des cœurs. Vaste programme pour chacune, chacun de nous, pour nos communautés, notre pays, nos familles. Qu’ils aient en eux l’Amour dont tu nous as aimés - et « le monde saura que tu les as aimés. »

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