dimanche 13 juillet 2014

Homélie 15° dimanche A -

Homélie 15° dimanche A - Carmel de St Maur -
Père Michel Martin
Voici que le semeur est sorti pour  semer…

 Ce que la parabole ne dit pas c’est que le semeur qui est sorti pour semer, c’est aussi le maître du champ, le laboureur et le moissonneur.

Son histoire partagée avec la terre des hommes - notre terre -, elle commence par sa première grande sortie, lorsque sur le chaos originel où plane son Esprit, il dit « lumière ! ». C’est sa première sortie mais qui sera désormais perpétuelle, jusqu’à la fin des temps.

Dès le matin du monde il sort par une première parole et depuis il n’en finit pas de sortir, parce qu’il aime sortir… il aime aller avec les hommes. D’ailleurs, on l’appelle Emmanuel, qui en hébreu signifie Dieu avec nous (Isaïe 7,14). Il est l’amour. Et quand on aime quelqu’un, on sort avec lui, avec elle.

Sa deuxième grande sortie, il ne l’a pas faite seul. C’est lorsqu’il a envoyé Moïse pour sortir son peuple bien aimé de l’esclavage en Egypte (Exode 3,10) et il marchait devant (Psaume 68,8).

Lorsque certains ont voulu le faire rentrer à la maison, il est sorti de ses gonds. Le premier à qui il a refusé catégoriquement, c’est son serviteur bien aimé David. Il lui a dit qu’il n’avait pas besoin de temple et préférait vivre dehors avec eux sous la tente (2 Samuel 7).

Sa troisième grande sortie, c’est lorsqu’il a envoyé son Fils : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu… Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire qu’il tient du Père. » (Jean 1)

Et St Jean confirme : « nous avons entendu, nous avons vu de nos yeux, nous avons contemplé, nos mains ont touché le Verbe de vie, car la Vie s'est manifestée,  nous l'avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue » (1 Jean 1)

Après sa mort sur la croix, on pensait que c’était fini, mais, lorsque les femmes ont trouvé son tombeau vide, que se sont-elles entendu dire ?... « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts, il n’est pas ici, il est sorti ! Il est sorti, comme il l’avait dit » (Luc 24,6-7).

 Voici que le semeur est sorti pour semer… On pourrait alors maintenant parler des grains qu’il a semés… On pourrait parler des différents terrains, des oiseaux, du soleil, des pierres, des ronces… Eh bien non, pour une fois restons sur cette sortie de Dieu… sur laquelle François nous invite fortement à méditer. Dans « La joie de l’Evangile », il a cinq paragraphes qu’il faut avoir entendu au moins en fois dans sa vie de chrétien  (n° 20-24) sous le titre : « Une Église en sortie ». Comme disent les jeunes «  c’est trop bon ! »
 
20. Dans la Parole de Dieu apparaît constamment ce dynamisme de “la sortie” que Dieu veut provoquer chez les croyants. Abraham accepta l’appel à partir vers une terre nouvelle. Moïse écouta l’appel de Dieu : « Va, je t’envoie » et fit sortir le peuple vers la terre promise. À Jérémie il dit : « Vers tous ceux à qui je t’enverrai, tu iras ». Aujourd’hui, dans cet “ allez ” de Jésus, sont présents les scénarios et les défis toujours nouveaux de la mission évangélisatrice de l’Église, et nous sommes tous appelés à cette nouvelle “sortie” missionnaire. Tout chrétien et toute communauté discernera quel est le chemin que le Seigneur demande, mais nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile.

 La joie de l’Évangile qui remplit la vie de la communauté des disciples est une joie missionnaire. Les soixante-dix disciples en font l’expérience, eux qui reviennent de la mission pleins de joie. Jésus la vit, lui qui exulte de joie dans l’Esprit Saint et loue le Père parce que sa révélation rejoint les pauvres et les plus petits. Les premiers qui se convertissent la ressentent, remplis d’admiration, en écoutant la prédication des Apôtres « chacun dans sa propre langue » à la Pentecôte. Cette joie est un signe que l’Évangile a été annoncé et donne du fruit. Mais elle a toujours la dynamique de l’exode et du don, du fait de sortir de soi, de marcher et de semer toujours de nouveau, toujours plus loin. Le Seigneur dit : « Allons ailleurs, dans les bourgs voisins, afin que j’y prêche aussi, car c’est pour cela que je suis sorti ». Quand la semence a été semée en un lieu, il ne s’attarde pas là pour expliquer davantage ou pour faire d’autres signes, au contraire l’Esprit le conduit à partir vers d’autres villages.

La parole a en soi un potentiel que nous ne pouvons pas prévoir. L’Évangile parle d’une semence qui, une fois semée, croît d’elle-même, y compris quand l’agriculteur dort. L’Église doit accepter cette liberté insaisissable de la Parole, qui est efficace à sa manière, et sous des formes très diverses, telles qu’en nous échappant elle dépasse souvent nos prévisions et bouleverse nos schémas.
 
 L’intimité de l’Église avec Jésus est une intimité itinérante, et la communion « se présente essentiellement comme communion missionnaire ». Fidèle au modèle du maître, il est vital qu’aujourd’hui l’Église sorte pour annoncer l’Évangile à tous, en tous lieux, en toutes occasions, sans hésitation, sans répulsion et sans peur. La joie de l’Évangile est pour tout le peuple, personne ne peut en être exclu. C’est ainsi que l’ange l’annonce aux pasteurs de Bethléem : « Soyez sans crainte, car voici que je vous annonce une grande joie qui sera celle de tout le peuple ». L’Apocalypse parle d’« une Bonne Nouvelle éternelle à annoncer à ceux qui demeurent sur la terre, à toute nation, race, langue et peuple ».

L’Église « en sortie » est la communauté des disciples missionnaires qui prennent l’initiative, qui s’impliquent, qui accompagnent, qui fructifient et qui fêtent. « Prendre l’initiative » : veuillez m’excuser pour ce néologisme. La communauté évangélisatrice expérimente que le Seigneur a pris l’initiative, il l’a précédée dans l’amour, et en raison de cela, elle sait aller de l’avant, elle sait prendre l’initiative sans crainte, aller à la rencontre, chercher ceux qui sont loin et arriver aux croisées des chemins pour inviter les exclus. Pour avoir expérimenté la miséricorde du Père et sa force de diffusion, elle vit un désir inépuisable d’offrir la miséricorde. Osons un peu plus prendre l’initiative ! En conséquence, l’Église sait “s’impliquer”. Jésus a lavé les pieds de ses disciples. Le Seigneur s’implique et implique les siens, en se mettant à genoux devant les autres pour les laver. Mais tout de suite après il dit à ses disciples : « Heureux êtes-vous, si vous le faites ». La communauté évangélisatrice, par ses œuvres et ses gestes, se met dans la vie quotidienne des autres, elle raccourcit les distances, elle s’abaisse jusqu’à l’humiliation si c’est nécessaire, et assume la vie humaine, touchant la chair souffrante du Christ dans le peuple. Les évangélisateurs ont ainsi “l’odeur des brebis” et celles-ci écoutent leur voix. Ensuite, la communauté évangélisatrice se dispose à “accompagner”. Elle accompagne l’humanité en tous ses processus, aussi durs et prolongés qu’ils puissent être. Elle connaît les longues attentes et la patience apostolique. L’évangélisation a beaucoup de patience, et elle évite de ne pas tenir compte des limites. Fidèle au don du Seigneur, elle sait aussi “fructifier”. La communauté évangélisatrice est toujours attentive aux fruits, parce que le Seigneur la veut féconde. Il prend soin du grain et ne perd pas la paix à cause de l’ivraie. Le semeur, quand il voit poindre l’ivraie parmi le grain n’a pas de réactions plaintives ni alarmistes. Il trouve le moyen pour faire en sorte que la Parole s’incarne dans une situation concrète et donne des fruits de vie nouvelle, bien qu’apparemment ceux-ci soient imparfaits et inachevés. Le disciple sait offrir sa vie entière et la jouer jusqu’au martyre comme témoignage de Jésus-Christ ; son rêve n’est pas d’avoir beaucoup d’ennemis, mais plutôt que la Parole soit accueillie et manifeste sa puissance libératrice et rénovatrice. Enfin, la communauté évangélisatrice, joyeuse, sait toujours “fêter”. Elle célèbre et fête chaque petite victoire, chaque pas en avant dans l’évangélisation. L’évangélisation joyeuse se fait beauté dans la liturgie, dans l’exigence quotidienne de faire progresser le bien. L’Église évangélise et s’évangélise elle-même par la beauté de la liturgie, laquelle est aussi célébration de l’activité évangélisatrice et source d’une impulsion renouvelée à se donner.

 

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