samedi 1 novembre 2014

Homélie Toussaint - 2014 -

Homélie Toussaint - 2014 - Carmel de Saint-Maur -
Père Maurice Boisson

Apocalypse 7,2…14 ; Psaume 23 ; 1 Jean 3,1-3 ; Matthieu 5,1-12a

Il y a deux mois, en plein été, Emile, le Mimile, les avait quittés après une courte maladie. Ce jeudi avant la Toussaint, quelques membres de sa famille se sont retrouvés sur sa tombe, chacun apportant des fleurs. Seule émergeait une simple croix en chêne verni.

Ils étaient là en silence. Personne n’ose dire : « Le Mimile, c’est un saint ! » - mais tous le pensaient. Un saint, ça doit être un peu comme le Mimile. Il y a ceux du calendrier, mais il doit y en avoir bien d’autres : je suis sûr que parlant d’un tel ou d’une telle, vous avez dit une fois ou l’autre : « C’est un saint ! C’est une sainte ! »

Il y a comme une intuition très forte en nous, comme un instinct, nous disant que ce qu’il y a vraiment de beau, de grand, de vrai, et qui reste, dans la vie ou dans la mort, c’est d’aimer.

La Toussaint fait un peu toucher du doigt, ou plutôt du cœur, qu’aimer, apporter une amitié, un service, un sourire, un pardon, une présence, un soutien, une aide, tout cela ne meurt pas, parce que c’est de Dieu, de lui, ça lui ressemble.

« Heureux !... » on vient de l’entendre… Pourquoi ? Parce que, par ce que vous êtes, ce que vous faites, vous essayez de ressembler à Dieu ; on est fait pour ça !

Qui sont-ils, tous ces saints, cette foule immense dont nous parle Saint Jean, bien plus nombreux que les jours du calendrier ?

Ils ne sont pas allongés dans la terre ! Ils se tiennent debout, vêtus de blanc, en présence de Dieu.

On peut repérer quelques connaissances parmi eux. Je suis sûr que vous, et moi aussi, nous apercevons des visages connus. N’ayons pas peur de les laisser venir à notre mémoire ! ces visages qui ont laissé dans nos vies, et dans la vie du monde, des traces, des germes, de la lumière, de bonté, de services, de paix, de « plus ». Leur existence nous a parlé et nous parle encore.

« La sainteté des gens ordinaires » – dit Madeleine Delbrêl. C’est leur jour, c’est leur fête.

La Toussaint n’est pas comme une voiture balai qui récupérerait toutes celles et tous ceux qui ne sont pas dans la liste officielle. A part entière, ils font partie de cette foule immense de saints. Bien sûr, comme le Mimile, il n’était pas parfait. En parlant de lui, à la maison, quelques sourires et souvenirs évoquaient ses petits travers.

C’est pas pareil : être parfait et être saint. Parfois d’ailleurs, ça ne va pas ensemble. On connaît bien que des grands saints officiels, même récents, n’ont pas été parfaits.

Devenir saint, c’est laisser enrichir son être, son cœur, des richesses de l’être, du cœur de Dieu, dans ce qui fait notre vie d’homme, de femme, tels que nous sommes, avec notre histoire, notre caractère, nos faiblesses, nos travers et nos générosités.

Devenir saint, c’est partager à notre tour ces richesses reçues de Dieu : les Béatitudes. Devenir saint, c’est marcher sur un sentier qui nous rapproche du pays de Dieu, et finalement nous y conduit à l’arrivée !

Tous ces visages que nous reconnaissons dans cette foule immense, ces saints ordinaires, visages burinés par le travail, tirés par la maladie, les soucis, les épreuves, éclairés par des traits de joie et de bonheur, souvent discret, secret, intérieur…

Visages où les rides ne sont plus des signes de déclin qu’on voudrait tant cacher, mais qui sont comme les craquelures d’une chrysalide s’ouvrant à une éternelle beauté, celle du cœur de Dieu. C’est les Béatitudes. C’est la toussaint, c’est notre avenir, c’est la Communion des saints : la proximité et la présence invisible, mais réelle, d’être avec, ensemble, unis, dans la seule condition qui peut nous réunir : celle d’aimer, et d’être aimé de Dieu.

La mort, la vraie, ce n’est pas cesser de vivre, mais cesser d’aimer. C’est quitter la route des Béatitudes qui nous conduit à avoir à cœur la peine des autres, à désamorcer la violence en nous-mêmes, « les doux », à être poreux - pas des toiles cirées – aux morsures de la vie, « ceux qui pleurent ».

Autour d’un gâteau, d’un café et d’un verre, cette fois dans la maison du Mimile, le plus jeune a dit : « C’est pas évident, mais en fait c’est quand même une belle vie. » Sa sœur a ajouté : « Il y avait un plus chez lui, ça va nous aider. »

Rejoignons ce peuple immense de ceux qui cherchent Dieu, sans le savoir souvent, innombrables, ils nous indiquent la route.

« Heureux amour aux cent visages… immense fresque de joie » et d’espérance. 

                              

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