dimanche 21 juin 2015

Homélie 12e dimanche TO B 2015

Homélie 12e dimanche TO B  2015
- Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson

Job 38,1.8-11 ; Psaume 106 ; 2 Corinthiens 5,14-17 ; Marc 4,35-41

« La vie est un long fleuve tranquille ! » C’est peut-être vrai au cinéma, comme c’est le cas, mais je ne sais pas si chacun de nous peut le dire de sa propre vie !

Notre titre serait peut-être : « La vie est une traversée, avec turbulences », comme dans ce récit d’Evangile que l’on vient d’entendre.

« Passons sur l’autre rive » (Marc 4,35).

Une tempête arrive, Jésus dort… les amis ont peur, pourtant c’est leur métier ! Ils réveillent Jésus, qui calme tout le monde : et la mer, et le vent, et ses amis.

« Pourquoi avez-vous peur ? Vous n’avez pas encore confiance ? » (Marc 4,40)

Nos vies sont sans cesse en traversée, en passage vers d’autres rives - pas géographiques, mais à l’intérieur de nous-mêmes. Les événements, les morsures et aussi les caresses de la vie nous emmènent, nous poussent plus loin, vers des inconnus, nous enseignent parfois à quitter le port de nos certitudes, de nos tranquillités, de nos assurances.

Notre monde et l’humanité sont aussi sans cesse en traversées on ne sait pas toujours bien vers quels demains ; c’est la grande question de la lettre du Pape François (« Laudato si »), parue ces jours, sur la sauvegarde de notre maison commune.

Vers quels rivages allons-nous aborder si nous ne changeons pas de cap ? Notre destination est « un monde nouveau », dit la deuxième lecture (2 Corinthiens 5,17) : « Le monde ancien s’en est allé », il s’en va et nous sommes des créatures nouvelles dans la nouveauté et la puissance du Christ ressuscité.


Ces traversées, ces passages - individuels ou collectifs - vers d’autres rives, ne se font pas sur une mer d’huile ! Mais, comme sur le lac de Tibériade, un certain soir – « le soir venu » (Marc 4,35), note Saint Marc. La peur, le danger, approchent souvent avec la nuit, quand on ne voit plus très bien clair en nous-mêmes et autour de nous. Dans nos vies, comme sur ce lac, la tempête survient, on ne la prévoit pas toujours ; les vagues bousculent nos pauvres petites embarcations, qui prennent l’eau.

Ils ne manquent pas, les vents, ni les vagues, qui peuvent nous pousser, malgré nous souvent, vers des lieux d’épreuves, de dépouillement ou de bonheur – dans nos projets, dans nos santés, nos familles, nos relations, notre foi. Ces traversées peuvent nous faire peur, nous entraîner au doute, à renoncer à ramer par vents contraires.

Nos amis dans la barque comptent sur un passage qui soit fait sans choses extraordinaires. Mais il dort, cet ami Jésus ! Il faut le réveiller : « Maître, nous sommes perdus ! Ça ne te fait rien ? » (Marc 4,38)

« On est prêts à couler et tu dors, tu t’en fiches ! » On se retrouve bien dans cette expérience : « Mais, où est le Bon Dieu ? Qu’est-ce qu’il fait ? Il dort ? »

« Où est-il, votre Dieu ? », disaient déjà les païens aux croyants dans l’épreuve (Psaume 79,10).

Dans ces traversées de turbulences, il peut nous arriver de nous croire abandonnés de Dieu, quand les événements, les situations, sont trop violents et que la barque commence à se remplir.

« Je ne peux plus croire », me disait récemment un papa traversant la dure épreuve du décès de son fils.

Comme sur la barque, le silence de Dieu n’est pas indifférence. Il n’est pas insensible ; nos situations, nos joies et nos peines, nos doutes et nos peurs ne lui font pas rien. Nous venons de le chanter dans ce psaume : « Dans leurs angoisses, ils ont crié vers le Seigneur et il les a délivrés de la détresse, réduisant la tempête au silence, faisant taire les vagues » (Psaume 106,28-29).

Jésus, réveillé, s’adresse à la mer et au vent comme lorsqu’il chasse le démon, le mal : « Silence, tais-toi ! » (…) Et il se fit un grand calme » (Marc 4,39).

Si les amis, se voyant perdus, réveillent Jésus de son repos, c’est lui, Jésus, qui réveille leur foi et leur confiance endormies. Il nous réveille : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas confiance ? »

Dans l’Evangile, la peur est toujours contraire à la foi, à la confiance.

On ne va pas forcément vaincre l’insurmontable, ni modifier les lois de la nature ou de la société, ni être assez fort pour résister au mal, mais dans l’apparente absence de Dieu, on peut toucher du doigt et du cœur sa présence, même s’il est à l’arrière de la barque et qu’il nous laisse le gouvernail. Il est dans la barque, dans nos barques, dans le bateau de l’humanité. « Non, il ne dort pas, notre gardien », dit un psaume (121,4).

Le calme de Jésus calme la tempête… La tempête appelle souvent la tempête, comme la violence peut appeler la violence. Le calme et la paix intérieure, la sérénité et la confiance, appellent au calme. Cette force intérieure ne vient pas de notre propre capacité - c’est souvent au-delà de nos forces - mais elle nous est donnée par une présence réelle, la présence de celui que l’on croit endormi ; c’est lui qui nous réveille, pour nous redonner confiance : « Courage… Passons sur l’autre rive. »

Il est dans la barque, réveillé. Il arrive aussi à la mer d’être calme.

Heureusement, Jésus est aussi dans la barque : n’oublions pas !

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