dimanche 11 octobre 2015

Homélie 28e dimanche TO B 2015 -

Homélie 28e dimanche TO B 2015 -
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson

Sagesse 7,7-11 ; Psaume 89 ; Hébreux 4,12-13 ; Marc 10,17-30

Cette semaine, j’ai eu la visite d’un couple d’amis, que j’avais mariés – comme on dit – il y a une douzaine d’années. Contents de se retrouver : « Qu’est-ce que vous devenez ? Et toi ? La retraite ? »

On prend le temps de parler : « Ça va bien, me disent-ils : bonne situation, deux enfants sans trop de problèmes ; on s’entend bien ; la santé, pas de souci pour le moment ; on continue d’aller à la Messe, on a même invité une fois Monsieur le Curé ! »

Au bout d’un moment, Denis me dit : « Tu vois, c’est vrai que ça va ; mais on sent qu’il nous manque quelque chose… on ne sait pas trop quoi ! » Et Isabelle d’ajouter : « On a l’impression de nous replier un peu sur notre petit confort, notre train-train, le petit cercle d’amis… on risque de s’encroûter. Ce qu’on vit, c’est bien ; tout ça ne nous suffit pas. Si on vient te voir, c’est pour en discuter avec toi. »

- « Très bien, allons-y ! » J’avais déjà regardé l’Evangile d’aujourd’hui. Je me disais, sans leur dire : « On est en plein dedans ! »

Beaucoup, nous en sommes peut-être, nous faisons l’expérience de cet homme qui court vers Jésus pour lui demander : « Qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour avoir la vie éternelle (Marc 10,17), pour vivre pleinement ; je fais tout ce qu’il faut, j’observe la pratique… et j’ai l’impression d’un manque ! »

On sent bien cette recherche d’un plus, d’une qualité intérieure, d’être, d’un sens ; c’est souvent difficile à formuler. C’est comme un désir profond, intérieur, qui ne trouve pas la satisfaction dans les biens matériels, ni dans le fait d’avoir tout ce qu’il faut.

Cet homme, aux pieds de Jésus, apparemment avait tout pour être heureux. Il n’était pas non plus malheureux ! Comme nos amis Denis et Isabelle. 

« Il avait de grands biens », dit Saint Marc (10,22). Les choses peuvent nous posséder, et les biens ne sont pas que matériels ou financiers : ce sont la considération, la situation, les relations, le pouvoir, etc…

Malgré tout cela, il y a en lui un manque, comme en chacun de nous. Nous sommes des êtres de Désir - avec un grand D - que notre vie ici-bas ne comble pas totalement. Quand on ne désire plus, quand on ne cherche pas un « plus » (dit Saint Ignace), on est déjà mort, tout en étant vivant.

Jésus est touché par la recherche et le désir de cet homme. « Il posa sur lui son regard, dit Marc (10,21), et il l’aima. »

Un regard - non qui juge et paralyse, mais un regard qui aime, et donc qui appelle à plus… « Tu as tout – une seule chose te manque : va, vends, et viens avec moi ; tu auras un trésor » (cf. Marc 10,21).

Jésus indique la route : « Va, vends, débarrasse-toi des encombrants qui étouffent le désir intérieur. »

On peut avoir des biens matériels et en être très détaché… et être très attaché, encombré de soi-même, de son égoïsme, de son orgueil, de sa susceptibilité, de sa vérité, de sa tranquillité, de sa méchanceté, de sa petite personne.

« Va, désencombre-toi, pour suivre ma route, et tu approcheras ce que tu cherches et qui te manque, pour vivre pleinement. »

A ces mots, notre homme « devint sombre et s’en alla tout triste », dit Marc (10,22) ; emportant dans son cœur un regard d’amour qui s’est posé sur lui malgré sa faiblesse, emportant dans sa vie un appel, pas un rejet. On ne connaît pas, d’ailleurs, ce qu’il est devenu.

Jésus lui-même reconnaît que c’est difficile de nous désencombrer, de nous séparer de ce qui nous empêche d’avancer vers ce à quoi on est appelé – à être et à devenir.

C’est difficile ou impossible par nos seules forces, mais possible avec l’aide de Dieu. Notre difficulté est la même que celle de cet homme : difficile de faire passer l’invisible, ce à quoi nous aspirons au plus profond de notre être, avant le visible, qu’on possède, qu’on tient, et qui nous tient.

Aussi, notre prière nous est inspirée de la première lecture : « J’ai prié et le discernement, l’esprit de sagesse, m’ont été donnés » (cf. Sagesse 7,7). C’est aussi la prière du Psaume : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours… » (Psaume 89,12)

Saint Augustin a cherché, dans toutes les directions, à combler ce manque, cette recherche du « plus ». Il a trouvé à l’intérieur de lui-même le chemin qui y conduit : « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos, tant qu’il ne demeure en toi. »

 

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