dimanche 30 octobre 2016

Homélie 31ème dimanche C



Homélie 31ème dimanche C
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson  

                Quand deux regards se croisent ! Ou la belle aventure de Zachée ! Qui peut être la nôtre !
                À un moment ou à un autre, nos existences se sont orientées ou ré-orientées dans une direction, poussées ou attirées par un désir profond : se marier, fonder une famille, se consacrer plus radicalement à Dieu dans la vie religieuse, devenir prêtre, rester célibataire pour être plus disponible à telle ou telle cause… Ce désir a commencé à prendre forme, souvent sous l’effet d’une rencontre ou d’un événement : la rencontre de quelqu’un qui s’est trouvé sur notre chemin, qui a  écouté, et qui a permis de vérifier la qualité et la vérité de ce désir intérieur, la rencontre plus personnelle avec le Christ, qui appelle… Ça peut être un évènement : ce qui arrive, parfois l’inattendu qui oriente ou réoriente dans une direction, etc…
                Un désir, une attirance, une rencontre, un évènement ont, un jour ou l’autre, aiguillé notre vie. On peut relire rapidement les étapes de notre vie. 

                Quand deux regards se croisent, quand nos deux désirs se rejoignent ! Quand l’un de ces regards et de ces désirs est celui de Dieu qui nous rencontre, quelques soient notre état de vie et notre situation ! C’est ce qui est arrivé à Monsieur Zachée, le chef du centre des impôts de la ville populeuse de Jericho, occupée par les Romains. « Quelqu’un de riche » note Saint Luc, mais détesté par la population, qui voyait un collaborateur, un voleur, un pécheur… Ce qui n’était pas faux : non seulement il récoltait l’impôt pour l’occupant, qui lui demandait une somme fixe, mais lui-même demandait ce qu’il voulait aux contribuables. Il mettait le surplus dans sa poche ! Bref, cette manière de faire pourrissait la vie de Zachée, ses relations, sa réputation, plus qu’elle ne lui apportait de bonheur ! C’est souvent comme ça, il ne manquait de rien, sauf de l’essentiel : la qualité de vie, de relations, de conscience. Cependant, il n’avait pas complètement étouffé son désir intérieur, qui s’est réveillé à l’occasion d’un évènement, d’une rencontre…

                Jésus allait passer près de chez lui. Et « Zachée cherchait à voir qui était Jésus » (Lc 19, 3). Ce qu’il avait entendu dire de lui correspondait peut-être à son désir d’une vie meilleure.
                Deux regards se sont croisés… Deux désirs se sont rejoints…
                Zachée, qui voulait voir, c’est lui qui est vu… Arrivé à l’endroit où Zachée était grimpé à un arbre pour le voir, « Jésus leva les yeux et lui dit : Zachée » (verset 5), pas Monsieur Zachée, Zachée : vu au-delà de ses apparences, sa façade, sa fonction, au-delà des étiquettes malveillantes qui lui collent à la peau et qu’il a sans doute méritées. Zachée croise un regard, qui va jusqu’à son coeur, jusqu’à son désir profond de sortir de cette vie compliquée qui l’enferme, regard qui se pose sur ce qu’il est vraiment, regard qui l’aime, non seulement comme il est mais comme il va devenir.                
                Alors que dans la rue, on se détourne de lui pour ne pas le voir, il croise un regard bienveillant, appelant. Alors qu’il n’entend souvent que des paroles blessantes, la douceur d’une voix monte vers lui : « Zachée, descends vite, je vais loger chez toi. » (verset 5). Ah, alors, vite ! On se retrouve à la maison, joyeusement, « avec joie » dit Luc (verset 6). On laisse le vinaigre et l’aigreur aux mauvaises langues, qui font toujours partie du décor, toujours et partout : « Tu as vu où il va ?!  Chez un homme pécheur ! » Laissons, l’important n’est pas là. « Debout », dit Luc (verset 8), comme un homme relevé, ressuscité (c’est le même mot en grec), Zachée s’adresse à Jésus (verset 8) : « Je donne la moitié de mes biens, je rendrai 4 fois plus à qui j’ai fait du tort. »

                Deux regards se sont croisés. La vie a changé. Jésus n’a pas cherché à excuser Zachée, il ne l’a pas approuvé non plus (« on comprend, c’est le métier, ceci, cela…). L’un et l’autre connaissaient bien la situation. De lui-même, Zachée a compris. Le regard posé sur lui, les quelques mots d’appel ont suscité en lui une réponse concrète à cet Amour reçu, par une ré-orientation de son comportement, de sa vie. Croiser un regard aimant est un appel à une réponse concrète d’ajustement à l’Amour offert. Croiser un regard méprisant et condamnant enfonce et enferme. 
                Dieu nous aime, pas tant parce qu’on est digne d’être aimé mais pour que nous le devenions : dignes d’être aimés, aimables, à ses yeux et aux yeux des autres.
                Ce petit récit d’aujourd’hui nous montre simplement comment un regard, une parole, une attitude, une rencontre peuvent réveiller en chacun ce qu’il a de meilleur en lui, rejoindre un désir de meilleur, parfois endormi.

                « Zachée - mettons à la place chacun de nos prénoms-, j’ai vu qui tu étais vraiment et ce que tu as dans le coeur, ton désir profond, alors descends vite, je vais demeurer dans ta maison ! »

Aucun commentaire: