jeudi 24 novembre 2016

Le pape diagnostique une maladie actuelle: la « cardio-sclérose »



Le pape diagnostique une maladie actuelle: la « cardio-sclérose »




Entretien à TV2000, capture TV2000
La « cardio-sclérose » , « l’incapacité à éprouver de la tendresse », est « la pire des maladies de notre époque » et la miséricorde est le remède contre cette maladie. C’est ce qu’assure le pape François dans  une interview de 40 minutes à la chaîne de télévision catholique italienne TV2000, diffusée le 20 novembre 2016.
Extraits de l’interview du pape François (4/4)
(Que répondez-vous à celui qui construit des murs pour se défendre et non des ponts ?)
Oui … à la fin il y a un problème de rigidité morale derrière cela, n’est-ce pas ? Le fils aîné (de la parabole, ndlr) était psychorigide: « Il a dépensé son argent dans une vie de péché, il ne mérite pas tel accueil ». La rigidité: toujours à la place de la justice. Cette rigidité n’est pas celle de Jésus. Jésus désapprouve les docteurs de l’Eglise: beaucoup, beaucoup, la rigidité. Il utilise un adjectif pour les qualifier que je n’aimerais pas qu’il utilise à mon égard : hypocrite. Que de fois Jésus prononce cet adjectif pour qualifier les docteurs de la loi : hypocrites. Il suffit de lire le chapitre 23 de Matthieu: «  Hypocrite ». Leur théorie est « de la miséricorde oui… mais la justice est importante ! », Or chez Dieu – et les chrétiens aussi, parce que c’est en Dieu – la justice est miséricordieuse et la miséricorde est juste. Elles sont inséparables, forment une seule chose. Et pourquoi? Ah … allez chez un professeur de théologie pour qu’il vous explique … [il rit] Et après le sermon de la montagne, dans la version de Luc, vient toujours le sermon de la plaine. Et comment ça finit ? « Soyez miséricordieux comme le Père ». Il ne dit pas « soyez justes comme le Père ». Mais c’est pareil! La justice et la miséricorde en Dieu forment une seule chose. La miséricorde est juste et la justice est miséricordieuse. C’est inséparable. Et quand Jésus pardonne à Zachée et va déjeuner avec les pécheurs, pardonne à Marie Madeleine, pardonne à l’adultère, pardonne à la samaritaine, qu’est-ce que c’est, il a la main large ? Non. Il applique la justice de Dieu, qui est miséricordieuse.
(L’expérience de la miséricorde nous oblige à dire quelque chose au monde des institutions, de la politique, des Etats ?)
Je dirais un seul mot que j’ai appris d’un vieux prêtre. (…) il m’a appris un mot sur la maladie de ce monde, de cette époque : la cardio-sclérose.
Je crois que la miséricorde est le remède contre cette maladie, la cardio-sclérose, qui est à l’origine de cette culture du rejet : « Mais, ceci ne sert plus ; cette personne âgée, allez, en maison de retraite ; cet enfant qui vient … non, non, allez, renvoyons-le à l’expéditeur …”, et on jette ! Allons-y, faisons la guerre … prenons cette ville… Et cette autre ville ? Larguons les bombes, qu’elles tombent partout, sur les hôpitaux, sur les écoles … tous ces gens sont à jeter n’est-ce pas? Et à l’origine de cette culture du rejet il y a la cardio-sclérose qui, je crois, est la pire des maladies de notre époque. Cette incapacité à éprouver de la tendresse, d’être proches …avoir le cœur dur … «  je dois aller dans cette direction et le reste ne m’intéresse pas : j’y vais ». Et je ne dis pas toutes les mauvais choses que l’on fait sur le chemin pour y arriver. (…)
(Comment peut-on construire un monde plus miséricordieux ?)
Pensons à cette troisième guerre mondiale que nous vivons, car c’est une troisième guerre mondiale fragmentée, non ? : ici, ici, ici … mais nous sommes en guerre; les armes se vendent et elles sont vendues par les fabricants et les trafiquants d’armes. Et vendues aux deux parties en guerre, parce ça rapporte, n’est-ce pas, le trafic des armes ? … Et là il y a une dureté de cœur vraiment très grande: un manque de tendresse. Le monde a besoin d’une révolution de la tendresse. « Mais, Dieu … »: arrêtons-nous ici. Dieu s’est fait «  tendre », Dieu s’est fait « proche ». Paul dit aux Philippiens : « Il s’est vidé de lui-même pour se faire plus proche, il s’est fait chair comme nous ». Quand nous parlons du Christ, n’oublions pas sa chair. Notre monde a besoin de cette tendresse qui dit à la chair de caresser la chair souffrante du Christ, non de commettre plus de souffrances ! Je crois que les Etats qui sont en guerre doivent penser à la grande valeur de la vie, et non se dire : «  Mais peu importe la vie, c’est le territoire qui m’intéresse… ». Une vie vaut plus qu’un territoire ! Et pour les fabricants d’armes, pour les trafiquants d’armes, la vie est ce qui compte le moins. Comme me disait un ami allemand : « Heute, das Billigste ist das Leben (Das Billigste, heute, ist das Leben) ». [Aujourd’hui, la vie est ce qui coûte le moins]

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