lundi 18 septembre 2017

Homélie du 24ème dimanche A



Homélie du 24ème dimanche A
Carmel de Saint-Maur – Père Maurice Boisson

                Ce n’est pas le moment de faire un sondage mais je crois que nous serions nombreux à être
d’accord avec la question de Pierre à Jésus : «  Combien de fois dois-je pardonner mon frère, ma sœur, qui me fait du mal ? 7 fois ? » 7 voulait dire tout le temps. C’est un exploit. Souvent, on n’arrive même pas à pardonner une fois ! Dans sa réponse, Jésus pousse encore plus loin : « Je ne te dis pas 7 fois mais 70 fois 7 fois », c’est-à-dire indéfiniment, sans limite.

                Est-ce possible de toujours pardonner ? Cela dépasse souvent nos possibilités. Est-ce raisonnable ? Ce n’est pas toujours éducatif après plusieurs récidives. Faut-il subir sans réagir avec fermeté ? On est en droit d’attendre que celui ou celle qui nous fait du mal s’arrête ou du moins, montre une volonté de changer. Et puis, doit-on tout pardonner ?


                Ces situations sont compliquées, difficiles, elles touchent le cœur de la relation et atteignent le plus profond de chacun. En quoi la Parole de Dieu de ce dimanche, en particulier la réponse exigeante de Jésus à Pierre, peut-elle nous aider ? Sans être inaccessible ou déconnectée de la réalité ni être rabotée de ses exigences. Retenons, pour des réalités aussi lourdes, quelques points d’attention.

                Pardonner est un but à atteindre. C’est un acte fort, sérieux, qui engage à un changement intérieur vis-à-vis de nous-mêmes et de l’autre. C’est ce que Jésus appelle, dans les dernières lignes de notre Evangile, pardonner du fond du cœur et non du bout des lèvres. C’est autre chose que de balancer à la sauvette un « Je te pardonne !» pour avoir la paix, contenter l’autre et tout le monde, sans que rien ne change dans nos attitudes. Il s’agit de rétablir des liens brisés. Ils seront peut-être toujours un peu abîmés, les blessures entraînent des cicatrices qui marquent mais les liens se referont. Peut-on dire en vérité : « Je t’aime quand même ! »

                Sur le chemin du pardon, la première lecture signale deux fausses pistes à éviter : la rancune, qui pousse à la vengeance et la colère, qui active la violence. Le mal est assez fort pour ne pas rajouter du mal au mal et risquer de se faire prendre dans l’œil du cyclone de la violence qu’on ne peut plus maîtriser et qui détruit les uns et les autres. Le chemin du pardon que nous montre Jésus est le sien, celui de Dieu, un chemin de patience, de changement progressif en nous-mêmes, vers une manière sereine de comprendre les situations et de se comporter. Il s’agit d’un travail en profondeur et non d’un coup d’éponge rapide pour faire semblant et que cela ne se voie pas. Du fond du cœur.
Ce travail patient et persévérant nous tourne vers l’essentiel que nous rappelle encore la 1ère lecture : « Pense à ton sort final et renonce à toute haine, pense à ton déclin et à ta mort, demeure fidèle au commandement de l’amour. Ne garde pas de rancune avec le prochain. » Au fond, à quoi aboutit d’entretenir des sentiments qui détruisent, au regard de la fragilité de l’existence et de notre avenir définitif ? Cette raison ne supprime pas l’œuvre de justice, s’il y a lieu. Le pardon n’est pas non plus l’oubli, nous sommes difficilement maître de notre mémoire. Il s’agit de chercher à enlever, à ôter le dard qui envenime les relations. Le cœur et la source du pardon sont à la fois en nous-mêmes et au-delà de nos propres forces et de notre désir. Notre propre vie est jalonnée d’une suite infinie du pardon de Dieu, pardons demandés, donnés, offerts… plus d’une douzaine de fois au cours de la messe. La réalité est que nous sommes pécheurs, nous le savons, mais nous avons peut-être moins conscience que nous sommes pécheurs pardonnés en permanence. Par-donner, c’est aller par-delà le don, plus loin que le don. Le don total est celui de l’Amour. On ne peut pardonner qu’avec la force que donne le don de Dieu. Ce par-delà le don de Dieu, du « Je t’aime quand même » nous rend par-donnants, par-donneurs. Aussi, si nous avons du mal à y arriver, si l’autre refuse notre démarche, remettons-nous en, en vérité, au pardon de Dieu : Il ne pardonne pas à notre place mais il suppléera à notre faiblesse. Lui seul peut pardonner à l’infini. Pardonner est un chemin à faire, dont nous ne maîtrisons pas l’arrivée. Avançons sur ce chemin, éclairé par le cœur de Dieu, exprimé par le psaume de ce jour. « Il pardonne toutes tes offenses, Il te couronne d’amour et de tendresse, Il ne maintient pas sans fin ses reproches, il n’agit pas envers nous selon nos fautes, Il met loin de nous nos péchés. »

                Apprends nous et aide nous à pardonner comme Tu le fais pour nous !

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